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Par auteur > Bailly Claire

La ferme bio-numérique : à la recherche de nouveaux modèles agricoles
Claire Bailly  1, 2, *@  , Jean Magerand  3, *@  
1 : Laboratoire Espaces Virtuels en Conception Architecturale et Urbaine  (EVCAU)  -  Site web
Ministère de la Culture et de la Communication
ENSAPVS -  France
2 : Laboratoire Innovation Forme Aarchitecture Milieux  (LIFAM)
Ministère de la Culture et de la Communication
ENSAM -  France
3 : Laboratoire Espaces Virtuels en Conception Architecturale et Urbaine  (EVCAU)
Ministère de la Culture et de la Communication
ENSAPVS -  France
* : Auteur correspondant

La crise de l'agriculture industrielle, la mutation numérique et les nouvelles aspirations urbaines établissent de nouveaux cadres techniques, méthodiques, économiques, scientifiques, qui forcent la ré-invention de modèles agro-urbains.

Aujourd'hui l'agriculture est une activité économique majeure et structurante pour nos territoires. Elle se heurte de plus en plus à son mode d'existence mondialisé, industrialisé, toxique pour les milieux naturels. La santé des agriculteurs et des consommateurs est remise en question. La production alimentaire devient polluante, aliénante, sur-consommatrice d'énergie non renouvelable, gaspilleuse d'eau et, plus globalement, de ressources naturelles. Elle est incompatible avec les objectifs de « soutenabilité ». L'agriculture urbaine nécessite une redéfinition à laquelle les urbanistes, les agronomes et les responsables de la gestion du territoire doivent participer, et qui met en question leurs savoir-faire.

Le nouveau paradigme numérique est quant à lui porteur de transformations dans les modes de vie, les techniques, les méthodes. Sous son égide, traitement des données, modélisation, simulations, suivi en temps réel, affinent et font évoluer la connaissance du vivant. De ce renouvellement des bases scientifiques et théoriques, émerge un renouvellement des fondements techniques et conceptuels de notre rapport à la nature. L'agriculture étant une médiation entre naturel et artificiel, la mutation biologique/numérique ré-interroge directement l'évolution de tous les aspects de nos modèles agricoles.

La communication que nous proposons porte sur un projet théorique agro-urbain. La ferme bio-numérique est notre hypothèse de travail pour confronter et hybrider la sobriété du low-tech et le paradigme high-tech.

Ce projet a été développé par notre équipe au sein du Laboratoire Expérimental à la Cité des sciences et de l'industrie, avec l'aide d'équipes pluridisciplinaires (notamment sociologie, agronomie, sciences politiques, urbanisme, paysage, biologie, architecture, urbanisme, design).
Il cherche à tirer les conséquences d'une pleine reconnaissance de l'agriculture et du territoire agricole en tant que système complexe artificiel autant que naturel. Il s'agit de convertir, en des termes de projétation, les connaissances scientifiques (sciences des complexités), les outils méthodiques (paramétrage, algorithmie) et les techniques (robotique agricole) aujourd'hui disponibles.

La ferme bio-numérique est une macro-ferme inspirée des logiques permacoles. La permaculture vise une production respectueuse de la nature et se fonde sur l'utilisation des propriétés de résilience que possèdent les systèmes naturels vivants ; ces derniers sont auto-organisés (écosystèmes) et en équilibre dynamique.

La ferme bio-numérique développe l'hypothèse selon laquelle il est possible d'amplifier, de compléter ou de compenser les propriétés d'auto-organisation liées aux composantes naturelles du système agro-urbain. Les expérimentations hybrident les capacités auto-organisationnelles du biologique pour les associer aux capacités des outils numériques. Ces derniers traitent en temps réel et apprivoisent des quantités massives d'informations (big data, paramétrique, robotique).

Sont alors ré-interrogés les modes de fabrication du paysage agricole, autant que les modalités de sa gestion, hors des catégories pré-conçues du professionnel, de l'amateur, du public et du privé.

Au-delà des approches productivistes, des dimensions humaines, des contigences numériques et des aspects sociaux de la macro-ferme permacole, apparaissent en filigrane les nouvelles approches des paysages agricoles.
Derrière l'apparent systématisme des outils informatiques, se profilent les problématiques des modes génératifs comme éléments de constitution et de diversification des paysages. Il est question de passer d'un paysage agricole dévasté par le machinisme et hors d'échelle à une "négentropie agricole" capable de générer ses paysages bio-numériques, visant à respecter productivité, bio-diversité, santé et équilibre des milieux naturels.

Bibliographie
MAGERAND Jean, MORTAMAIS Elizabeth, Vers l'Hyperpaysage, Ed. L'harmattan, Paris, 2009
MANOVICH Lev, ‘Trending: The Promises and the Challenges of Big Social Data', Debates in the Digital Humanities, ed M.K.Gold. The University of Minnesota Press, Minneapolis, 2011
MOLLISON Bill, HOLMGREN David, Permaculture 1, une agriculture pérenne pour l'autosuffisance et les exploitations de toutes tailles, Éditions Charles Corlet, 1978 (ISBN 978-2-8673-3030-8), 1978 en anglais, 1986 en français, réédition en 2011
MORIN Edgar, La méthode / La Nature de la nature (t. 1), Le Seuil, Paris, 1977
PUMAIN Denise, ST JULIEN Thérèse, SANDERS Léna, Villes et auto-organisation, éd. Economica, 1989


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