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Par auteur > Buyck Jennifer

Le paysage alimentaire du pain : Recompositions et innovations dans la métropole grenobloise
Jennifer Buyck  1@  
1 : Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires  (PACTE)  -  Site web
Université Pierre-Mendès-France - Grenoble II, Université Joseph Fourier - Grenoble I, CNRS : UMR5194, Institut d'Études Politiques [IEP] - Grenoble
14 avenue Marie Reynoard 38100 GRENOBLE -  France

A l'heure de la mondialisation et de l'urbanisation des modes de vie, le pain continue d'être présent dans le quotidien et l'imaginaire des Français. Mais le divorce entre le mythe et la réalité n'a jamais été aussi flagrant. « Le pain est davantage porteur de sens que de connaissances » (GNABA, 2011). Sa dimension symbolique et son poids culturel sont tels que sa matérialité, sa spatialité, sa durabilité, sont relativement peu connues et rarement questionnées (ASTIER, 2016). Pourtant comme le reste de notre alimentation, le pain est le produit d'un processus d'industrialisation. Le pain s'en trouve profondément modifié et avec lui les territoires de sa fabrique, de sa commercialisation et de sa consommation. Pour donner à voir ces territoires du pain à la fois dans leur forme urbaine et dans leur potentiel d'urbanité, nous proposons ici une exploration de la métropole de Grenoble. Où et comment peut-on y acheter du pain ? D'où la farine vient-elle ? De quelles terres agricoles ? Cartographie, traitement d'archives et de données spatiales, arpentage et analyse sensible constituent la base de nos réponses.

 

Si l'agriculture est aujourd'hui une des thématiques émergentes – sinon importantes – des documents d'urbanisme, la question alimentaire, et a fortiori celle du pain, est pour sa part absolument absente. C'est notamment le cas pour la métropole grenobloise où la « gouvernance foncière agricole et environnementale » est bien mobilisée (VARGAS, 2016) mais où l'alimentation reste « une problématique vitale oubliée » des documents de planification spatiale (BRAND, 2015). L'urbanisme, fortement remis en cause par le contexte de crises auquel il fait face (crises environnementales, économiques, sociales, démocratiques) doit pour sa part reconsidérer ses pratiques (BOURDIN, 2014). La prise en compte des enjeux alimentaires (BIEL, 2016) est à n'en pas pas douter un des principaux chantiers de l'urbanisme de demain. En d'autres termes, ce questionnement sur l'alimentation – ses économies, ses spatialités, ses urbanités – est pour nous une manière de réévaluer les modalités de penser, d'expérimenter, et fabriquer les territoires – durables – de demain.

 

Pour ce faire, notre ambition est, à travers la figure d'un aliment emblématique, d'esquisser le « paysage alimentaire » de la métropole grenobloise. Dans le prolongement de la vision du paysage de Tim Inglod pour qui les pratiques ne s'inscrivent pas dans ou sur un paysage mais donnent forme au paysage (INGOLD, 1993), nous mobilisons ici la notion de « paysage alimentaire » où le paysage est « un construit social qui comporte à la fois de espaces matériels et immatériels et permet de saisir les représentations de l'individu qui l'observe ». L'ajout de l'adjectif alimentaire permet à l'expression de recouvrir « ce que connaissent les acteurs de l'offre commerciale et de leur environnement alimentaire et la façon dont ils se le représentent » (NIKOLLI, 2016). Cette notion informe donc de la diversité des perceptions de l'offre alimentaire locale, tout comme des choix en matière alimentaire et des processus de connexion (ou déconnexion) qui en découlent.

D'autre part, dans ce « paysage alimentaire », une attention particulière est ici portée aux transitions économiques en faveur d'une « alimentation durable » (ESNOUF, 2011), c'est à dire viable sur le plan économique et social, plus respectueuse de l'environnement, de la santé et des diversités culturelles. En ce sens, cette recherche s'incarne dans une métropole, celle de Grenoble, où depuis le mois de janvier 2016 nous menons nos investigations1. Les signaux faibles en faveur d'une alimentation durable y sont nombreux et diversifiés. Certains parlent même de Grenoble en tant que « laboratoire des transitions ».

 

À travers la focale du pain, cette description du paysage alimentaire et des initiatives en faveur d'une alimentation durable de et pour la métropole grenobloise est l'occasion de poser des interrogations singulières : Quelle est la juste échelle d'analyse d'une métropole ? Et ce notamment dans une perspective d'une autonomie alimentaire accrue, que qualifie t-on de local ? D'autre part, quelle est la durabilité de notre modèle territoriale alimentaire ? Et ce non seulement en termes d'environnement mais aussi au regard de l'accessibilité économique et sociale. Enfin, quelles sont les formes d'urbanités, de sociabilités, induites ou recherchées (ZASK, 2016) par ces économies alimentaires ? C'est en remontant la chaîne logistique du pain (distribution, transformation, production) que nous chercherons à répondre à ces interrogations. Le tout avec une hypothèse comme fil conducteur : prendre en compte, structurer et conforter l'alimentation durable dans les territoires contemporains, notamment à travers une nouvelle économie locale du pain, c'est inventer de nouveaux modes de partage. De nouveaux modes de partage qui ne sont pas sans conséquence sur l'urbain et le rural, l'urbanité et la ruralité, l'urbanité et les urbanités. 

1 Ce travail se fonde sur les premiers résultats du projet de recherche PSDR FRUGAL (FoRmes Urbaines de la Gouvernance ALimentaire). Actuellement en cours, ce projet est centré sur l'analyse des enjeux systémiques liés à l'approvisionnement alimentaire de métropoles du Grand Ouest français et en région Rhône-Alpes. 



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