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Les Jardins d'Hernani, une micro-ferme urbaine à Seyssinet-Pariset (Isère) : chronique d'une bataille perdue et des projets à venir
Pierre Belli-Riz  1@  , Alain Poirot, Léa Perrotin, Florence Ghestem@
1 : ENSA Grenoble  (ENSAG)
Ministère de la Culture et de la Communication

Notre intervention propose d'analyser un projet récent de micro-ferme urbaine, initié dans la périphérie grenobloise par des étudiants du Lycée horticole/CFPPA de Saint-Ismier (Isère), en vue d'un projet professionnel d'installation en 2017.

Ce projet, qui prévoyait de valoriser les espaces libres résiduels d'une grande copropriété à Seyssinet-Pariset (38170), n'a pu aboutir du fait d'une délibération défavorable en avril 2017 de l'assemblée générale de la copropriété concernée. Mais il reste profondément cohérent, tant du point de vue économique que du points de vue une urbain, écologique ou social, et la compréhension des difficultés rencontrées permettra de progresser vers d'autres projets similaires, sur d'autres terrains...

 

Ville et agriculture, un oxymore ?

« On devrait construire les villes à la campagne, car l'air y est plus pur ». Alphonse Allais

Comment imaginer aujourd'hui réinstaller l'agriculture en ville ?

Le paradoxe est toujours vivace, et invite à rechercher de nouveaux équilibres. La question plus précise que nous avons choisi d'explorer est : comment est-il possible de faire vivre une agriculture urbaine, une véritable activité professionnelle de production agricole en milieu urbain ou péri-urbain ? Et plus précisément encore, comment mettre en oeuvre l'idée de micro-ferme urbaine ? 

 

Mirco-ferme maraîchère urbaine : un modèle émergent

Le concept de micro-ferme urbaine repose sur des principes déjà bien connus : une activité essentiellement maraîchère, sans nuisances significatives, sur un espace limité, mais avec des rendements élevés ; une « petite surface soignée », des cultures biologiques sur sol vivant, avec un matériel simple. La rotation des cultures ainsi que des associations de plantes bien maîtrisées permettent un rendement 3 à 6 fois plus élevé que l'agriculture conventionnelle, à condition de rester à l'échelle de 1 ou 2 cultivateurs par lot (de 1500 à 2000 m2) ;

Il est logiquement associé à un réseau de distribution de proximité : circuit court sans intermédiaires, dans un rayon limité.

C'est un modèle de valorisation agricole relativement nouveau mais déjà expérimenté. Il reste à diffuser et à intégrer ce modèle sur différents types de territoires – même s'il ne représentera pas avant longtemps un modèle alternatif aux pratiques agricoles dominantes.

 

La question foncière : entre complémentarité et concurrence

Mais pourquoi vouloir rechercher en ville (ou dans l'espace péri-urbain) des espaces agricoles qui semblent ne pas manquer ailleurs ?

Pas si simple : si l'espace agricole, malgré sa diminution continue, reste abondant en France, sa disponibilité n'est pas du tout évidente pour des projets innovants, qui sortent du schéma économique encore dominant. D'où l'idée de prospecter des gisements fonciers inattendus, à condition, bien sûr, de ne pas se trouver en concurrence directe avec l'activité immobilière.

Dès lors, l'inventaire du gisement foncier disponible peut faire apparaître de véritables opportunités, dans les espaces inconstructibles et peu valorisés : délaissés d'infrastructures (ferroviaires, routières ou autres), espaces soumis à des risques naturels, espaces non bâtis autour des équipements publics ou des entreprises, ou encore espaces libres sous-utilisés des grandes copropriétés.

 

Les Jardins d'Hernani, dans la copropriété Victor Hugo à Seyssinet-Pariset : des conditions favorables, mais...

Le projet des Jardins d'Hernani reposait sur un ensemble de conditions a priori très favorables, à partir de l'initiative d'un membre d'une grande copropriété auprès du Lycée horticole/CFPPA de Saint-Ismier.

La copropriété présente un grand espace délaissé, inconstructible, qui coûte à entretenir et qui est à l'écart des logements, sans risque de nuisances.

L'accès est facile, les réseaux existent, la délimitation du terrain est claire.

La ressource en eau est disponible (nappe phréatique autorisant un forage) sans utiliser l'eau potable.

Il est possible de distribuer une part importante de la production à l'intérieur même de la copropriété, de prendre en charge l'entretien des autres espaces libres de la copropriété, et de développer sur place des activités annexes (animation, conseil et formation).

Certaines conditions restaient à préciser : quelle sécurité pour l'exploitant et pour les copropriétaires ? Quel statut d'occupation ? Quelles contreparties économiques, notamment pour l'entretien des espaces libres ? Quelles garanties de continuité de l'exploitation ? Et quelle compatibilité avec les règles d'urbanisme, qui interdisent en principe les installations agricoles en zone urbaine ?...

 

Leçons pour des projets à venir

Le projet des Jardins d'Hernani a reçu un avis défavorable de la copropriété en avril 2017.

Malgré les conditions objectivement favorables, certaines craintes ont été soulevées, certaines garanties ont semblé manquer, et des facteurs subjectifs ont pesé sur la décision.

Ce projet n'en demeure pas moins cohérent, c'est une expérience qui permet de tirer des leçons pour rebondir sur d'autres projets locaux et faire avancer la diffusion de ces nouveaux paradigmes.

La présentation développera la chronique détaillée de cette tentative, analysera les facteurs qui ont conduit à cet échec et précisera les conditions optimales de développement de ce modèle. Elle proposera également d'élargir la réflexion sur la question foncière urbaine et les types d'opportunités que l'on peut rechercher. 

Éléments de bibliographie

DONADIEU Pierre, FLEURY André : « L'agriculture, une nature pour la ville ? » In Les Annales de la recherche urbaine, volume 74 numéro 1, 1997

DONADIEU Pierre : Campagnes urbaines, Actes Sud / École nationale supérieure du paysage de Versailles, 1998

FLEURY A., VIDAL R : L'autosuffisance agricole des villes, une vaine utopie ? - laviedesidees.fr, 2010

LÉGER François, UMR SADAPT (Inra-AgroParisTech). Étude menée avec la ferme du Bec Hellouin et l'Institut Sylva, 2016

MOREL Kevin : Viabilité des microfermes maraîchères bilogiques, une étude inductive combinant méthodes qualitatives et modélisation, thèse de doctorat encadrée par François LÉGER (UMR SADAPT INRA-AgroParis-Tech, soutenue le 15 décembre 2016

PERZÈS Emmanuel : « La permaculture au sein de l'agriculture urbaine : du jardin au projet de sociéte », in VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 10 numéro 2, septembre 2010 - http://vertigo.revues.org/9941

POULOT Monique : « Des arrangements autour de l'agriculture en périurbain : du lotissement agricole au projet de territoire », in VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 11 Numéro 2, septembre 2011 - http://vertigo.revues.org/11188

 


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