L'agroécologie, à la frontière entre agronomie et architecture
L'agroécologie émerge depuis une trentaine d'années, comme discipline scientifique, mais aussi dans des mouvements sociaux et des pratiques agricoles innovantes visant à réinventer les systèmes agricoles et alimentaires pour faire face aux nouveaux enjeux : changement climatique, épuisement des ressources fossiles, perte de biodiversité...
Former les étudiants agronomes à l'agroécologie est un enjeu central pour les doter des capacités de concevoir les systèmes agricoles de demain. Or l'agroécologie bouscule l'agronomie qui, historiquement est une science plus portée sur l'optimisation et donc la simplification.
Ces pratiques agricoles en mutation ont un impact territorial mais aussi paysager et architectural dans leur capacité à transformer un territoire. Par ailleurs, l'architecture évolue vers une prise en compte accrue de l'écologie : comment utiliser les ressources naturelles du lieu (matériaux, orientation, soleil, ombre, vent, ...) afin de produire des lieux de vie confortables et économes (Marcom, 2008).
Cette communication présente une initiative structurante de montage d'un dispositif de formation couplé entre l'ENSAM et MSA autour d'un projet de ferme agroécologique.
Articuler la formation des étudiants agronomes et architectes autour du projet de ferme agroécologique de MSA
Montpellier SupAgro porte un projet de ferme agroécologique sur le domaine de Lavalette à Montpellier. Ce projet a trois finalités : (i) installer un maraicher, en lien avec l'archipel de fermes agroécologiques porté par la Métropole, (ii) en faire un lieu de ressources pédagogiques et (iii) un lieu de démonstration et d'information pour les professionnels et le grand public.
Nous avons profité de l'opportunité du montage de deux nouveaux parcours – « Situation-s » à l'ENSAM en semestre 7 et « Agroecology » à SupAgro en semestre 8 – pour construire un dispositif de formation couplé permettant de travailler ensemble sur le même projet, de combiner les apports des enseignants et formateurs des écoles d'Architecture et d'Agronomie et de permettre aux étudiants architectes et agronomes de se former mutuellement. Le décalage des deux parcours (semestres 7 et 8) nous a conduit à imaginer un dispositif en relai.
En semestre 7, après une initiation aux principes de l'agroécologie par les enseignants et les étudiants agro, les étudiants architectes ont appréhendé le site de Lavalette dans sa globalité tant à l'échelle urbaine qu'architecturale. Ils ont ensuite élaboré des projets de requalification de ce site délaissé pour y proposer de nouveaux usages, en lien avec l'installation prochaine d'une ferme agro-écologique.
Ces projets ont été présentés aux étudiants agronomes et modulés par les remarques formulées en cours d'élaboration.
En semestre 8, les étudiants agronomes ont travaillé sur ce projet de ferme, pour concevoir des scénarios et en évaluer la pertinence à différentes échelles : (i) les cultures, leur disposition dans l'espace et leur successions, (ii) la ferme et son fonctionnement (iii) les relations entre cette ferme et le territoire (iv) les usages pédagogiques.
Des étudiants architectes sont venus présenter et discuter leurs projets du Semestre 7 en début d'UE.
Les résultats obtenus
Pour les étudiants architectes, devoir expliquer leur perception de l'existant puis leurs intentions de projet à des non-architectes les a conduit à préciser leur propos , et ce faisant la qualité de leur réflexion conceptuelle.
Les remarques formulées par les agronomes les ont conduit à mieux intégrer la dimension du vivant et de la temporalité dans le « déjà-là ».
Pour les agronomes, le travail des architectes a permis de bien appréhender le contexte et les enjeux territoriaux du projet et de se projeter dans les transformations possibles que pourraient permettre cette ferme. La présentation des archis, sous la forme d'un récit mettant en scène l'étudiant, sa perception sensible et cherche la mise en cohérence d'une vision, a désarçonné les étudiants agro, plus habitués à une argumentation fondée sur des faits objectivables dans leur formation d'ingénieur. Toutefois, cette inter-culturalité a été très bénéfique aux agros en montrant que l'invention de nouvelles formes d'agriculture passe obligatoirement par une narration pour donner un sens aux transformations, mettre en cohérence, convaincre les partenaires et que les approches d'ingénierie venaient renforcer cette argumentation en éprouvant sa faisabilité et en évaluant ses impacts.
Cette expérience a montré tout l'intérêt de placer les étudiants en situation d'inter-culturalité et de formation par les pairs, en utilisant un projet comme lieu d'interface. Elle sera prolongée pour son intérêt pédagogique mais aussi parce qu'elle contribue à un enjeu majeur : renforcer les capacités des décideurs de demain pour imaginer et accompagner la transition agroécologique des villes.
Mots clés
Architecture, agronomie, agroécologie, pédagogie, transition, situation
Références bibliographiques
Altieri, M. A. (1987). "Agroecology. The scientific basis of alternative agriculture," Westview. 227 pp.
de Tourdonnet, S. (2015). Transition agroécologique : apprendre et former autrement ? In Séminaire Agropolis : intensification écologique des systèmes de culture, 10 février 2015, Montpellier. http://www.agropolis.fr/agronomie/session.php?id=40
Rabhi, P. (2013). « Au nom de la terre », Documentaire.
Marcom, A. (2008). « Ecoconstruction et agroécologie : l'architecture de cueillette – Proto-histoire du bâtiment ». https://mneaquitaine.wordpress.com/2011/01/10/ecoconstruction-et-agroecologie-l%E2%80%99architecture-de-cueillette-proto-histoire-du-batiment/
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