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Ruralités et urbanités en débat : changer de regard pour innover
Lucie Boissenin  1@  
1 : LabEx Architecture, Environnement & Cultures Constructives  (LabEx AE&CC)  -  Site web
Université Grenoble Alpes
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Contexte et problématique

 Depuis les années 1980, de nombreux chercheurs se sont succédés, notamment dans le champ de la géographie, pour tenter de mettre fin à l'opposition entre ville et campagne, entre urbain et rural (Vanier, 2007 ; Roncayolo, 1992 ; Corboz, 1983). La deuxième moitié du XXe siècle a en effet vu, pour les besoins de ses sociétés, croître les villes et naître de nouvelles formes d' « urbanisations » : les bidonvilles, les grands ensembles, les lotissements, etc. Le périurbain a vu le jour et dès lors, la limite entre rural et urbain est devenue moins saisissable.

 Pour André Corboz, « l'opposition ville-campagne cesse, parce que la ville l'a emporté » (1983, p.15) que ce soit dans sa dimension spatiale – l'extension physique des constructions sur les espaces agricoles – ou dans sa dimension sociale, la « diffusion des mass media » ayant selon l'auteur concouru à l'uniformisation des modes de vie. Avec un recul de plus de trente-cinq ans, nous pouvons apporter quelques commentaires sur cette lecture : d'une part, la campagne n'a pas disparu, ou du moins existe-t-il encore des espaces que nous nous représentons comme étant du « rural ». D'autre part, nous assistons depuis une dizaine d'années à une véritable pénétration de l'agricole et du « vert » en ville. Les politiques de développement durable ont mis en évidence la nécessité d'un rapprochement entre production et consommation alimentaire ; ainsi que les bienfaits de la végétation en ville (bien-être, santé, pollution). Plus encore, c'est aussi la « sociabilité », la solidarité rurale que l'on peut désormais retrouver en ville, à travers l'épanouissement de nombreuses initiatives comme des cafés solidaires, des jardins partagés, des boîtes à livres etc.

Par le premier mouvement d'influence de la ville en direction de la campagne, puis un second mouvement de la campagne vers la ville, tous les critères qui permettaient autrefois de classer un espace, un mode de vie comme urbain ou rural, sont remis en question. Aujourd'hui, plus encore qu'il y a trente ans, il est nécessaire de rechercher d'autres termes, d'autres critères qui pourront définir les espaces, en fonction de ce qu'ils sont réellement et non des représentations qui perdurent dans l'imaginaire collectif.

 

Méthodologie et résultats

 La communication présentera en premier lieu le contexte scientifique et sociétal ci-dessus, pour ensuite développer la manière avec laquelle certains archiectes et/ou urbanistes décrivent les espaces auxquels ils sont confrontés, en limitant voire en banissant l'utilisation des termes « urbain » et « rural ». Nous parlerons d'Alberto Magnaghi (et plus généralement les territorialistes italiens), de Paola Viganò et d'Antoine Brès.

 La représentation des territoires, chez Magnaghi, s'appuie principalement sur la notion de « patrimoine territorial », ou « l'ensemble des structures de longue durée produite par la coévolution de l'homme avec le milieu ambiant » (Magnaghi, 2014, 2010). Avec cette vision, la ville est une structure de longue durée, au même titre les plaines agricoles, les hangars industriels, les infrastructures. Si les mots rural, urbain, ville, campagne sont présents dans les publications des territorialistes, ils n'en guident pas la description des espaces, qui se réfèrent, si ce n'est au patrimoine territorial, également à la notion d'un écosystème territorial (Saragosa, 2005), et le raisonnement s'appuie sur les interactions entre les éléments anthropiques et bio-physiques.

Paola Viganò s'intéresse quant à elle à la question de la « dispersion des étabissements humains » (Viganò, 2004). Pour elle, projeter la ville de demain implique de reconnaître et composer avec cette « nouvelle forme urbaine » (Ibid.) qu'est la dispersion. Elle n'est alors plus à considérer alors comme un accident, une fracture dans l'équilibre ville-campagne, mais comme une occasion de rendre le territoire « isotrope » (Viganò, 2012), où la biodiversité, l'habitat, les activités, les infrastructures seraient reconfigurées de manière à sortir d'une logique de centre et de périphérie.

Pour terminer Antoine Brès avance le terme de « figures discrètes de l'urbain » (Brès, 2012), pour décrire le même phénomène de dispersion, de fragmentation de l'habitat et des activités. Pour lui, la faible densité est le modèle d'implantation le plus courant ; l'aggloméré est à l'inverse, une exception. Il nous propose ainsi un renversement du paradigme actuel dans lequel la ville est au centre de toutes les questions.

 

Bibliographie

 BRÈS, Antoine, 2015. Figures discrètes de l'urbain. Genève: Métispresses.

 CORBOZ, André, 1983. “Le territoire comme palimpseste.” Diogène, no. 121 (January 1983): 14–35.

 MAGNAGHI, Alberto, 2010 Il progetto locale. Verso la coscienza di luogo. 2ème édition. Torino: Bollati Boringhieri.

 RONCAYOLO, Marcel, PAQUOT Thierry, 1992. Villes et civilisations urbaines XVIIIe-XXe siècle. Paris: Larousse.

 VANIER, Martin, 2005. “Rural/Urbain: Qu'est-Ce Qu'on Sait Pas ?” In ARLAUD (S.), JEAN (Y.), ROYOUX (D.) Rural-Urbain: Nouveaux Liens, Nouvelles Frontières, 25–32. Rennes: Presses Universitaires de Rennes.

 VIGANÒ, Paola, 2012. Les territoires de l'urbanisme: le projet comme producteur de connaissance. Vues d'ensemble. Genève: Metispresses.

 VIGANÒ, Paola (dir.), 2004 . New territories: situations, projects and scenarios for the European city and territory. Roma: Officina Edizioni.

 

 



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